Lors de leur sommet en "manches de chemise" en Californie, le président américain Barack Obama et le président chinois Xi Jinping n'ont pas seulement abordé les questions risquées comme la cybersécurité, le libre échange et les tensions militaires dans le Pacifique. Ils ont aussi réussi à trouver un terrain d'entente dans un domaine : la lutte contre le changement climatique.
Les deux pays ont ainsi annoncé un accord visant à éliminer progressivement la production et l'usage des hydrofluorocarbures (HFC), des gaz industriels considérés comme des "super" gaz à effet de serre. Sans donner pour autant un calendrier précis.
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POUVOIR DE RÉCHAUFFEMENT TRÈS ÉLEVÉ
Les HFC, principaux représentants de la famille des gaz fluorés, sont utilisés dans la réfrigération, la climatisation, ainsi que dans les équipements électriques, les mousses isolantes ou les bombes aérosols. Ils ont été introduits depuis les années 1990 pour remplacer d'autres gaz aux mêmes propriétés, comme les chlorofluorocarbures (CFC) et les hydrochlorofluorocarbures (HCFC), bannis par le protocole de Montréal de 1987 visant à protéger la couche d'ozone.
Mais si l'impact des HFC sur la couche d'ozone est mineur, celui sur le climat, lui, s'avère conséquent : ces gaz ont ainsi un pouvoir de réchauffement plusieurs milliers de fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (CO2) même si la plupart d'entre eux persistent moins longtemps dans l'atmosphère.
Or, sous l'effet du boom de la construction dans les pays en développement, et d'une climatisation en pleine expansion, notamment aux Etats-Unis et en Europe, les émissions de ces gaz progressent de 8% par an. "A ce rythme, les HFC pourraient représenter 20% des émissions de gaz à effet de serre mondiales en 2050, contre 2% aujourd'hui", prévient Célia Gautier, chargée des politiques internationales et européennes au Réseau action climat, une fédération d'associations.
UNE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE 90 GIGATONNES
"L'accord sino-américain est très encourageant pour les négociations climatiques, s'enthousiasme-t-elle. Chaque décision qui amène à une baisse rapide des émissions de gaz à effet de serre avant 2020 est un pas important. Et les HFC sont plus faciles et moins coûteux à contrôler que le CO2 dans la mesure où ils sont seulement créés par l'homme, contrairement au CO2 qui est aussi émis naturellement."
Une limitation globale des HFC pourrait potentiellement réduire de 90 gigatonnes les émissions en équivalent CO2 d'ici 2050, soit environ l'équivalent de deux ans d'émissions de tous les gaz à effet de serre, assure la Maison Blanche dans un communiqué.
La décision des Etats-Unis et de la Chine va probablement faire boule de neige."Pékin devrait parvenir à convaincre l'Inde ou le Brésil, qui sont les autres principaux producteurs – et de plus en plus consommateurs – de ces gaz. On pourrait alors aboutir rapidement à un accord pour leur suppression, soit à la conférence des parties au protocole de Montréal, qui doit se réunir en octobre, soit à la conférence de Varsovie sur le climat en novembre", espère Célia Gautier.
CHANGEMENT DE STRATÉGIE
La proposition visant à éliminer les HFC a été avancée il y a quelques années par la petite nation insulaire de la Micronésie, l'un des endroits les plus vulnérables à l'élévation du niveau de la mer et d'autres effets du réchauffement climatique. En avril, l'île a proposé un amendement au protocole de Montréal pour y intégrer les HFC, suivi deux jours plus tard par un texte similaire des Etats-Unis, du Canada et du Mexique. Ces Etats estiment en effet que le protocole de Montréal, signé par l'ensemble des pays membres de l'ONU, serait l'instrument juridique le plus efficace pour éliminer rapidement les HFC, comme il l'a fait pour les CFC et HCFC.
Toutefois, jusqu'à présent, les pays en développement bloquaient la négociation. Pour eux, les HFC, en raison de leur influence sur le climat, devaient plutôt être soumis au protocole de Kyoto, qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
"La nouvelle position chinoise révèle un changement d'attitude de négociation, analyse Célia Gautier. Cet accord lui donne une reconnaissance nouvelle en matière climatique. La Chine a aussi un intérêt économique à passer directement à un nouveau gaz réfrigérant, sachant que les HFC finiront par être interdits."
QUESTION DES SUBSTITUTS
L'Union européenne (UE) a aussi avancé de son côté : en novembre, la Commission a ainsi présenté un projet de règlement afin de renforcer la législation en vigueur, datant de 2006. Il vise ainsi à réduire de deux tiers les émissions de gaz fluorés ainsi que de 80% la quantité totale de HFC pouvant être vendue dans l'UE d'ici à 2030. Le texte doit maintenant être adopté par le Parlement le 19 juin puis par le Conseil avant la fin de l'été.
Reste la question de trouver des substituts aussi efficaces et rentables. Selon un rapport de novembre 2011 du Programme des Nations unies pour l'environnement, une bonne conception des bâtiments est un préalable nécessaire afin de réduire ou éviter l'utilisation de climatiseurs et de mousses isolantes. D'autres fluides frigorigènes existent par ailleurs, comme de l'ammoniac, du propane ou du CO2. Avec leurs lots de pollutions...