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11 mai 2010 2 11 /05 /mai /2010 18:42

Les entreprises sont un des acteurs essentiels du développement des échanges internationaux, et en participant à ces échanges, elles sont devenues des "firmes transnationales" (on parle aussi parfois d'entreprises multinationales, mais les économistes utilisent plus volontiers le terme de transnationales). C'est ce processus que nous allons d'abord étudier. Nous verrons ensuite comment ces firmes transnationales agissent sur les marchés internationaux, quelles stratégies elles y développent et quelles en sont les conséquences sur les politiques économiques et sociales menées par les Etats nationaux

I) -Comment les entreprises participent-elles à  la mondialisation des échanges ?

Les firmes sont progressivement devenues transnationales en produisant simultanément les mêmes biens et services sur plusieurs zones géographiques et en commercialisant leurs productions mondialement. Ceci a aussi engendré une nouvelle organisation de la production mondiale appelée " division ou décomposition internationale des processus productifs ". Ce faisant, ces entreprises transnationales contribuent de facto à développer les flux d'échanges internationaux.

A) - Comment une entreprise devient-elle transnationale ?

Une firme transnationale est une entreprise qui répartit sa production sur plusieurs pays. Elle ne se contente donc pas simplement de diffuser et vendre ses biens et services à l'international : elle participe largement à une nouvelle allocation des productions mondiales par le biais de ses investissements directs à l'étranger. Une entreprise qui se contente d'exporter des marchandises (même en grande quantité) ne peut être considérée comme une firme transnationale.

  • Une FTN, en produisant et en vendant simultanément sur plusieurs territoires, acquiert une dimension de firme globale : elle a le monde comme champ d'activité. Il est dès lors parfois difficile d'attribuer à ces firmes une nationalité, économiquement parlant. Il n'en reste pas moins que l'histoire ou la culture de ces entreprises s'ancrent encore largement dans un territoire. Ainsi, si Danone est effectivement une firme transnationale, elle reste toujours attachée à la France dans l'imaginaire collectif.
  • L'instrument privilégié de l'internationalisation des firmes reste les IDE : Les Investissements Directs à l'Etranger sont les sommes d'argent investies (ou reçues) par un pays vers (ou en provenance de) l'étranger, dans le but soit de créer ou développer une firme nouvelle localement, soit de prendre partiellement ou totalement le contrôle d'une firme locale existante par une prise de participation au capital via des mécanismes financiers de fusions acquisitions parfois complexes. On considère généralement que le seuil de 10% de prise de capital d'une entreprise permet de définir un IDE : cela signifie que si le flux de capitaux entre deux pays a comme résultat une prise de participation de 10%, il sera classé dans la balance des paiements des deux pays comme IDE (entrant ou sortant selon le pays). Une firme transnationale est dès lors en général constituée d'une maison mère et de filiales dont le capital est détenu, en totalité ou en partie, par la maison mère. Il faut ajouter à ces entreprises reliées financièrement un ensemble d'entreprises sous-traitantes, juridiquement indépendantes mais économiquement dépendantes.

Depuis une quinzaine d'années, les IDE ont littéralement explosé, surtout en faveur des pays développés qui en sont les premiers bénéficiaires. Parmi les pays bénéficiaires d'IDE, la France se classe 4ème en recevant plus de 63 millions de dollars d'IDE en 2005. L'Union européenne est, de manière générale, le principal destinataire de l'investissement direct à l'étranger en recevant près de la moitié du flux total. Il faut encore noter que parmi les pays destinataires autres que les pays industrialisés, les flux se concentrent sur quelques pays seulement : essentiellement les pays asiatiques où la croissance économique est rapide (Chine, Hong Kong et Singapour principalement) et certains pays latino-américains dans une moindre mesure (Brésil notamment). Les pays africains sont complètement à l'écart de ces flux d'I.D.E. On voit donc ici que les firmes transnationales génèrent l'internationalisation des économies, en développant notamment une segmentation des productions.

B)- Les entreprises transnationales contribuent à  la DIT.

Les firmes transnationales vont avoir une stratégie de localisation de la production en fonction des caractéristiques propres de chaque espace national de manière à maximiser leurs profits. La division du processus de production entre des pays différents exploite les différences de conditions de production entre les pays : dans certains pays, les matières premières sont peu chères, dans d'autres ce sont les impôts ou le coût du travail. Les firmes transnationales vont chercher à profiter de tous ces avantages à la fois pour maximiser leur rentabilité.

  • Le processus de production est divisé, réparti, entre les pays en fonction des avantages propres à chaque espace national de manière à ce que, au total, l'entreprise fabrique son produit de manière avantageuse, en gardant la maîtrise de l'ensemble du processus. C'est ce que l'on appelle la DIPP (décomposition internationale du processus productif). Cette DIPP peut s'apparenter à une segmentation très fine des étapes de production dans certains cas ce qui peut donner lieu à une exportation préalable de composants intermédiaires réimportés sous forme de produits finals. Cette segmentation repose principalement sur le cycle de vie du produit intermédiaire et son degré de technologie incorporé. Ainsi, les souris d'ordinateurs ne comportant pas d'innovation particulière sont fabriquées en Asie du Sud Est, ce qui n'est pas le cas du processeur, qui nécessite une compétence importante. Plus le produit est complexe et plus il comporte de composants et de sous-ensembles qui peuvent être fabriqués de façon autonome les uns des autres. Une voiture automobile, par exemple, comporte plus de 5000 pièces. Ces composants sont progressivement réunis en sous-ensembles qui sont associés lors de l'assemblage final. Ainsi, dans le secteur automobile, il est courant de décomposer sur plusieurs territoires la conception et le design, la réalisation du moteur, du châssis, la tôlerie et finalement l'assemblage final. On considère généralement que plus de 10 pays sont nécessaires pour produire une automobile.
  • Traditionnellement, la DIPP est supposée refléter une logique d'extension de la division internationale du travail (DIT) à l'ensemble des pays selon la hiérarchisation mondiale des avantages comparatifs. La D.I.T. attribue aux pays développés la fabrication des biens manufacturés et des services; et aux pays pauvres la fourniture des produits primaires en général (produits agricoles, matières premières). Ceci s'explique en particulier par les différentiels de coût du travail et de productivité. Au fur et à mesure du développement des techniques mais aussi des pays, la division internationale du travail se transforme. Ainsi certains pays du sud se sont mis à fabriquer les produits manufacturés courants. Les nouveaux pays industrialisés, asiatiques surtout, produisent aujourd'hui des produits manufacturés à plus forte valeur ajoutée, y compris des produits haut de gamme. Les pays développés fabriquent surtout désormais les produits technologiques et les services dont la production nécessite de hautes qualifications. Les FTN participent pleinement de cette D.I.T, puisqu'elles arbitrent entre les lieux possibles de leurs productions. Toutefois, les firmes transnationales opèrent de manière sélective en observant, outre les possibilités d'implantation du fait de la baisse des coûts de transport, de la diffusion des technologies de l'information et des avantages en termes de coûts salariaux et/ou de maîtrise technologique, une position géographique favorable (par rapport aux grands courants d'échange), des infrastructures de communication de qualité et un potentiel de marché important.

Les FTN tentent donc par leur choix de localisation de s'accaparer les bénéfices des avantages comparatifs ou stratégiques internationaux. Ce faisant, elles accélèrent les échanges mondiaux.

C)- Le développement des entreprises transnationales engendre le développement d'échanges internationaux.

Les FTN accroissent les flux d'échanges internationaux, principalement parce qu'elles pratiquent un commerce international intra-firme : elles s'échangent, entre filiales de la même transnationale, des produits en cours de fabrication. Ceci augmente considérablement les flux d'import export entre nation. Pour autant, ce développement du commerce international sort en grande partie de la logique marchande : les prix pratiqués au sein des FTN ne correspondent pas toujours à un arbitrage de marché, mais découlent des stratégies des entreprises pour optimiser la rentabilité du siège ou d'une filiale particulière de manière un peu artificielle.

  • L'existence des entreprises transnationales génère du commerce intra firme : celui ci représente l'ensemble des échanges de biens internes à une FTN entre la maison mère et ses filiales ou entre ses filiales. Par exemple, Renault assemble des Modus et des Clio à Valladolid en Espagne. Les châssis viennent de France, de même que certains moteurs; l'entreprise les exporte donc pour les monter en Espagne. Elle importe ensuite les Clio et Modus pour satisfaire le marché français. Le châssis passe donc deux fois la frontière, ce qui donne lieu à chaque fois à une comptabilité dans les flux d'échange. Certains composants peuvent passer ainsi 4 ou 5 fois des frontières avant que le produit ne soit finalement vendu. Il est malheureusement très difficile de calculer la part des échanges intra-firme dans l'ensemble des flux commerciaux internationaux. Des estimations indiquent qu'ils représentent désormais entre 30 et 40% du total des échanges. Pour la Chine, on estime même que 50% de ses exportations mondiales sont en réalité le fait d'un commerce intra-firme. On voit donc clairement que l'activité des firmes transnationales "gonfle" le volume du commerce mondial.
  • Ce commerce intra-firme ne correspond pas strictement à une logique de marché : la tarification des échanges ne repose pas sur des prix nés d'une mise en concurrence par le marché mais sur un arbitrage comptable interne à la firme. En effet, rien n'oblige la firme à respecter une tarification conforme ne serait-ce qu'au coût de production : le prix d'échange résulte de calculs d'optimisation au niveau de la firme globale. Ces firmes auraient ainsi la possibilité d'annuler en particulier l'effet des charges fiscales. Par exemple, si l'imposition sur les sociétés en France est comparativement plus importante que celle d'un autre pays avec qui une FTN pratique un commerce intra-firme, cette FTN peut minimiser la valeur, donc le prix, des productions fabriquées en France et exportées, et augmenter conjointement la valeur des productions importées en France. L'intérêt serait de réaliser son profit dans l'autre pays plutôt qu'en France (grâce au prix des importations et exportations), pour bénéficier de l'impôt sur les bénéfices le plus faible. Du fait de ces manipulations possibles, on ne sait pas très bien quelle signification donner aux flux résultant de ces échanges intra-firme : leurs valeurs ne peuvent pas être considérées comme extrêmement significatives.
  • Il y aurait aujourd'hui 80 000 FTN dans le monde, disposant de 900 000 filiales. Un tiers au moins des échanges mondiaux lierait les FTN à leurs sous-traitants. Si on ajoute aux échanges intra-firme les échanges où l'un au moins des co-contractants est une firme transnationale, ce sont 92% des échanges mondiaux qui sont concernés. On voit que la mondialisation ne saurait se passer des firmes transnationales ! Le processus est loin d'être achevé : on voit aujourd'hui se développer des accords d'alliance/coopération entre firmes transnationales sur des produits particuliers ou des segments de marché comme entre PSA Peugeot-Citroën et Fiat (production de Peugeot Boxer, de Citroën Jumper et de Fiat Ducato) . On observe également le développement de réseaux d'entreprises : les firmes transnationales, au lieu de continuer à augmenter le nombre de leurs filiales en rachetant ou en créant des entreprises à l'étranger, se contentent de conclure des contrats commerciaux avec des entreprises partenaires à l'étranger, contrats prévoyant par exemple la fourniture de tel ou tel produit avec des caractéristiques bien précises dictées par la firme transnationale comme le fait Nike avec des sous-traitant dans diverses régions du monde. L'avantage est la souplesse qui en résulte pour la transnationale : un contrat commercial peut être rompu ou non reconduit extrêmement facilement alors qu'une participation dans le capital d'une entreprise est beaucoup plus difficile à liquider.

Conclusion : Les entreprises transnationales participent à la mondialisation des échanges en accentuant la division internationale du travail par la DIPP, dans le but de bénéficier des avantages comparatifs propres aux pays d'implantation. Leur développement s'observe statistiquement par la progression très rapide depuis vingt ans des IDE. Ceci conduit naturellement à accélérer les échanges internationaux, notamment parce que l'on observe un commerce intra-firme de plus en plus développé.

 

II) - La stratégie des FTN et la mise en concurrence des Etats.

Les firmes transnationales ont une stratégie réfléchie à l'échelle du monde et non plus à l'échelle de la Nation, on l'a dit en les définissant. Qu'est-ce que cela change ? Comment cela se traduit-il dans la réalité ? Répondre à ces questions va nous amener à présenter certains aspects de la mondialisation de l'économie.
Les firmes transnationales sont, comme toutes les entreprises dans une économie de marché, à la recherche du profit maximum. Pour atteindre cet objectif, elles construisent leur stratégie à l'échelle mondiale où elles se retrouvent en concurrence les unes avec les autres.

Elles sont confrontées à deux problèmes que doivent prendre en compte leurs stratégies :

  • d'une part, une exigence de rentabilité de plus en plus pressante en provenance de leur actionnariat de plus en plus internationalisé.
  • d'autre part, une concurrence par les prix de plus en plus intense car toutes les firmes exploitent au mieux les avantages comparatifs des différents pays et essaient de développer leur taille pour bénéficier au maximum des économies d'échelle.

Face à ces deux exigences, il y a deux stratégies possibles. Soit affronter la concurrence par les prix et donc chercher à comprimer les coûts de production, cela amène l'entreprise à investir là où les coûts sont les plus bas, c'est-à -dire souvent à l'étranger. Soit fuir, en quelque sorte, la concurrence par les prix, ce qui amène l'entreprise à rechercher la différenciation des produits fabriqués. Dans les deux cas, la FTN cherche à être compétitive, c'est-à -dire à gagner des parts de marché.

Ces stratégies aboutissent à mettre en concurrence les nations. Autrement dit, elles ont des répercussions macro-économiques, sur l'emploi, la croissance, etc., répercussions qu'il faudra étudier.

Il faut alors se demander quel est ou quel peut être le poids des Etats face aux FTN : dans quelle mesure peuvent-ils conserver une autonomie réelle face à ces entreprises dont le poids et l'influence sont grandissants ?

A) - L'internationalisation des entreprises leur permet d'augmenter leur compétitivité.

La compétitivité, c'est la capacité à résister à la concurrence. Cette compétitivité se construit sur deux plans : la compétitivité-prix (les entreprises cherchent alors à agir sur leurs prix de manière à avoir un prix inférieur à celui de leurs concurrents, espérant ainsi que les consommateurs achèteront leur production de préférence à celle de leurs concurrents) et la compétitivité structurelle ou hors-prix (ou même compétitivité produit), les entreprises cherchent alors à agir sur les caractéristiques du produit, caractéristiques capables de le faire vendre malgré un prix relativement plus élevé que celui des concurrents. Ces caractéristiques, cela peut être par exemple l'image de marque, la fiabilité, le réseau de service après-vente, etc. La compétitivité structurelle peut dépendre aussi de la qualité de la main d'œuvre, de la qualité des infrastructures collectives. [Pour plus de détails sur la compétitivité, voir la notion]

  • L'internationalisation permet d'augmenter la compétitivité-prix en profitant des différences internationales des coûts des facteurs de production et en permettant de contourner les barrières protectionnistes.

    Les firmes transnationales vont avoir une stratégie de localisation de la production en fonction des caractéristiques propres de chaque espace national de manière à maximiser leurs profits. La division du processus de production entre des pays différents exploite les différences de conditions de production entre les pays : dans certains pays, les matières premières sont peu chères, dans d'autres ce sont les impôts ou le coût du travail. Les firmes transnationales vont chercher à profiter de tous ces avantages à la fois. Comment ? En investissant (par des IDE) dans les pays où les conditions de production les intéressent. Par exemple, si la confection de vêtements est moins coûteuse en Corée du Sud du fait du très bas niveau des salaires qu'en France, une FTN va implanter son usine de confection là -bas. Cependant, la firme peut considérer que ce pays d'accueil ne dispose pas de stylistes de qualité et va donc installer son unité de conception des vêtements en France. Elle divise donc le processus productif et localise sa production là où cela lui coûtera globalement le moins cher, tout en bénéficiant des avantages de chacun des pays.

    La FTN peut également améliorer sa compétitivité-prix en contournant des barrières protectionnistes : une barrière protectionniste, c'est soit des droits de douane, soit des contraintes pour les produits entrants dans le pays ; dans les deux cas, elle coûte cher et donc augmente le prix du produit. En fabriquant le produit dans le pays, on évite ces coûts, donc on améliore la compétitivité-prix du produit.
  • L'internationalisation permet d'augmenter la compétitivité structurelle en poussant les FTN à différencier leurs produits.

    La différenciation des produits permet à l'entreprise d'apparaître comme la seule fabriquant ce produit, de détenir donc un monopole, limité certes (à un produit très précis et sur une période probablement courte) mais un monopole quand même, qui permet donc à l'entreprise d'engranger des profits substantiels. La stratégie de différenciation des produits impose des investissements en recherche-développement importants : il faut innover, autant sur le plan des caractéristiques techniques des produits que sur les méthodes de commercialisation et de présentation des produits.
    La différenciation des produits s'accompagne, sur le plan technique, de la nécessité d'une grande souplesse des outils de production et des circuits de distribution, de manière à être le plus réactif(s) possible(s) aux transformations du marché (effets de mode, par exemple). Elle répond aux désirs des consommateurs de se différencier des autres consommateurs. Elle permet d'apporter une réponse aux impératifs de la compétitivité en déplaçant le problème : si l'on fabrique un produit différent de ceux fabriqués par les autres producteurs, on échappe (souvent très momentanément) aux impératifs de la compétitivité.

    Cette différenciation permet aussi de mieux prendre en compte les spécificités culturelles des consommateurs : ainsi par exemple, alors que dans beaucoup de pays européens, on consomme des œufs à coquille complètement blanche, l'introduction de ces œufs en France s'est révélé un échec commercial. En effet, les Français sont attachés à une coquille d'œuf colorée, gage de qualité et de naturel, pensons-nous… Une entreprise qui veut produire pour un marché mondial ne peut pas ne pas tenir compte de ces spécificités.

Le choix stratégique entre compétitivité-prix et compétitivité hors-prix dépend d'abord de la nature du produit : quand on produit des chaussettes, par exemple, le prix est un argument de vente essentiel ; quand on vend des machines outils pour la production industrielle, la fiabilité est essentielle pour le client ; quand on vend des chaînes hi-fi, on doit choisir entre une stratégie relativement bas de gamme fondée sur des prix compétitifs ou une stratégie haut de gamme fondée sur la qualité et les innovations technologiques. La localisation de la production est une conséquence de cette décision stratégique

B)- L'internationalisation pratiquée par les FTN aboutit à mettre en concurrence les pays, en particulier pays développés et pays en développement.

Chercher à améliorer sa compétitivité a toujours été un objectif pour une entreprise. Mais aujourd'hui, ce qui distingue les firmes transnationales des autres entreprises, c'est que leur stratégie est mondiale et qu'elles mettent donc en concurrence des espaces nationaux. Et elles le font d'autant plus que les firmes transnationales peuvent se livrer, entre elles, une concurrence féroce. On pourrait penser que cette concurrence va profiter à tous (par la baisse des prix qu'elle occasionne, en particulier) mais, dans la réalité, les choses ne sont pas si simples et ces stratégies, qui sont au cœur de la mondialisation de l'économie, posent des questions aux Etats Nations qui restent le mode d'organisation politique du monde, aujourd'hui. Ce sont donc ces questions que nous allons maintenant aborder.

  • Les PVD dans lesquels les FTN réalisent des IDE vont bénéficier de transferts de technologie et importer également un mode d'organisation du travail. Les IDE vont s'accompagner de création d'emplois et donc de distribution de revenus. On voit que cela peut contribuer à amorcer le processus de croissance. Cependant, il s'agit souvent d'emplois peu qualifiés et peu rémunérés. D'autre part, les profits réalisés sont la propriété de la FTN et on ne sait rien, a priori, de leur utilisation.
  • Dans les pays développés peut-on dire que les FTN, en menant leur stratégie de localisation en fonction de leurs intérêts (c'est-à -dire en maximisant leur profit), menacent l'emploi ? C'est une affirmation que vous avez sans doute souvent entendue et qui mérite un examen. La question posée ne porte pas que sur le nombre des emplois, elle porte aussi sur le creusement des inégalités générées par les modifications quantitatives et qualitatives des emplois dans les pays développés du fait des stratégies des firmes transnationales.

    On parle de délocalisation [voir cette notion] quand une entreprise décide de fermer un de ses établissements de production dans un pays pour aller en ouvrir un autre, à peu près équivalent, dans un autre pays. On peut également parler de délocalisation quand une entreprise abandonne un sous-traitant dans le pays en s'adressant à un sous-traitant étranger. Au sens strict, on ne peut parler de délocalisation que quand un établissement est fermé et un autre ouvert dans un pays étranger, ce qui est relativement peu fréquent. En revanche, ce qui arrive beaucoup plus souvent, c'est qu'une entreprise crée à l'étranger des emplois qu'elle aurait pu créer dans le pays d'origine.
  • La décision de localisation des activités productives relève de la gestion de l'entreprise, dans une optique de maximisation du profit. Les éléments qui vont entrer en ligne de compte dans la décision peuvent être multiples : les coûts de production (coût du travail, coût du capital) peuvent être moindres dans le pays d'implantation, mais ce peut être aussi les frais d'accès au marché (pour vendre des automobiles aux Etats-Unis, les entreprises japonaises auront moins de frais en les fabriquant sur place qu'en les exportant, par exemple). Les conséquences sur la vie économique et sociale du pays où la délocalisation se réalise peuvent être considérables : montée du chômage, pression à la baisse sur le coût du travail, et en particulier sur la protection sociale, effets indirects sur la demande, etc. Le pays semble " subir" la délocalisation, c'est une contrainte qui paraît s'imposer à lui. Cependant, il faut bien dire que les effets des délocalisations ne sont pas forcément aussi négatifs qu'ils peuvent apparaître de prime abord : des emplois sont supprimés dans le pays mais d'autres sont créés ailleurs. Les salariés du pays d'accueil vont donc recevoir davantage de pouvoir d'achat et cela permettra au pays d'acheter davantage, en particulier au pays dans lequel s'était faite la délocalisation, ce qui permettra indirectement de créer des emplois. Les études statistiques, très compliquées sur ce sujet, montrent dans l'ensemble que le nombre d'emplois créés est presque équivalent au nombre d'emplois supprimés. Le problème, c'est que ce ne sont pas les travailleurs qui ont été licenciés qui occuperont ces nouveaux emplois. Il y a donc un réel problème social lié aux délocalisations.

Les conséquences sur la qualification des emplois et la montée des inégalités dans les pays développés. Les stratégies des firmes transnationales face à la mondialisation ont des effets sur la qualification des emplois proposés dans les pays développés. Dans le cas de la différenciation des produits, les produits deviennent de plus en plus complexes, incorporant de plus en plus de technologies et les incorporant de plus en plus rapidement. Cela nécessite une main d'œuvre de plus en plus qualifiée, excluant ainsi les travailleurs les moins qualifiés de l'emploi dans les firmes transnationales mais aussi dans leurs sous-traitants qui ont les mêmes exigences au niveau de la qualité. Les délocalisations aboutissent à peu près au même résultat : en transférant les emplois les moins qualifiés dans d'autres pays, se développent dans le pays d'origine des emplois de gestion, de contrôle, etc., tous emplois nécessitant des qualifications élevées.
Quels sont les effets de ces transformations des emplois sur les inégalités ? Au même titre que le progrès technique, la mondialisation supprime dans les pays développés les emplois les moins qualifiés. Les emplois qu'elle développe sont d'une part des emplois qualifiés soit en amont du processus productif lui-même soit pour gérer la complexité de la répartition des tâches entre les pays, et d'autre part des emplois nécessitant une grande flexibilité pour permettre d'adapter l'offre aux variations de la demande.
Résultat : les travailleurs ne pouvant présenter des qualités sur un de ces deux plans ne trouvent plus d'emploi. Cela accroît donc les inégalités puisque un travailleur peu qualifié, désavantagé sur le plan du salaire, sera de plus menacé sur le plan de l'emploi, avec peu de perspective de sortir du chômage s'il a été licencié
. Ces travailleurs vont donc constituer le noyau dur du chômage.
Enfin, la recherche de la compétitivité à tout prix débouche sur une remise en cause de tout ce qui peut contribuer à élever le coût du travail (protection sociale, en particulier) et/ou de tout ce qui peut limiter sa flexibilité (réglementation du travail, par exemple). Elle augmente aussi le stress au travail, donc sa pénibilité, comme le montrent toutes les études statistiques sur le sujet. Sur tous ces plans, la mondialisation accroît la pression sur les travailleurs les plus fragiles et contribue donc à l'augmentation des inégalités.

C) Les Etats conservent-ils alors leur autonomie face aux firmes transnationales ?

Certains se demandent si les Etats ont encore du pouvoir face aux FTN : le poids économique de ces entreprises est parfois énorme, leurs décisions stratégiques semblent ne pas pouvoir être contrôlées, ce qui fait apparaître les Etats comme impuissants à exercer une quelconque activité de contrôle.

De plus, les politiques économiques ont un cadre national. Non seulement elles ne peuvent pas s'imposer aux firmes transnationales mais elles sont parfois contrecarrées directement par les décisions des firmes transnationales : par exemple, quand un Etat décide de lutter contre le chômage dans une région spécialement touchée et qu'une firme transnationale décide la délocalisation d'une de ses unités de production située dans cette région, que peut faire l'Etat ? Et on peut ajouter que, parfois, les Etats se concurrencent mutuellement pour attirer les FTN chez eux plutôt que chez le voisin. Le "chacun pour soi" semble souvent primer, au détriment d'une solidarité, pourtant parfois affichée.

Enfin, les exigences de compétitivité et de flexibilité sont parfois présentées, en particulier par le patronat, comme des nécessités auxquelles les Etats doivent se plier sans discuter en les imposant à la nation toute entière (par la modification de la législation du travail ou l'abaissement des charges sociales, par exemple). Les pays du nord de l'Europe, dans lesquels le poids de la fiscalité est très lourd, montrent sans doute que les choses ne sont pas si simples et qu'il y aurait matière à discussion. Les Etats pourraient sans doute avoir plus de poids qu'ils le pensent ou le disent.

La période actuelle montre les difficultés de réguler les échanges internationaux quand le pouvoir politique reste essentiellement national alors que les firmes, qui sont les acteurs essentiels des échanges mondiaux, sont de plus en plus transnationales. Nous allons revenir sur ces difficultés de régulation dans la partie suivante.

 

 

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